L’espace-temps

Continuons notre exploration des conséquences de la relativité restreinte avec votre ami dans sa navette. Vous placez maintenant dans votre station spatiale et dans la navette deux horloges lumineuses.

La dilatation du temps

Il s’agit d’un système formé de deux miroirs qui se font face et sont placés parallèlement à la direction du mouvement de la navette. Un petit dispositif permet de créer un faisceau lumineux qui va aller et venir entre les deux miroirs. La durée de passage de la lumière d’une paroi à l’autre est constante. Ce système constitue donc une horloge qui permet de mesurer le temps. Il suffit de compter le nombre d’aller-retours de la lumière et de convertir le résultat en une durée.

Dilatation du temps
La dilatation du temps. La figure représente votre horloge lumineuse et celle de votre ami, à quatre instants successifs. Les flèches représentent le déplacement de la lumière entre deux instants. Leur longueur, qui correspond à la vitesse de la lumière, doit être partout la même d’après Einstein. Votre horloge est au repos et la lumière s’y propage perpendiculairement aux miroirs. Par contre, l’horloge de votre ami se déplace très vite et les rayons lumineux semblent s’y propager en biais. La distance parcourue par la lumière dans un aller-retour est donc plus longue. Puisque la vitesse de la lumière est la même pour tout le monde, cela signifie qu’un va-et-vient dure plus longtemps sur l’horloge de votre ami que sur la vôtre : le temps paraît s’écouler plus lentement à bord de la navette.  Auteur : Olivier Esslinger

Muni de ce système, votre ami accomplit un nouveau passage, moteurs éteints, devant la station spatiale. Sur votre horloge, rien de spécial ne se produit. Celle-ci continue à battre tranquillement le temps, le système est immobile et la lumière se propage perpendiculairement aux miroirs.

Sur l’horloge de votre ami, par contre, la situation est différente. Puisque la navette spatiale bouge entre deux réflexions, vous voyez la lumière se déplacer de façon oblique par rapport aux miroirs. Les rayons lumineux doivent parcourir une distance plus grande pour effectuer un aller-retour. Mais la vitesse de la lumière est la même pour tout le monde d’après Einstein, une distance plus grande correspond donc à un temps plus long. En conséquence, un va-et-vient de la lumière à bord de la navette dure plus longtemps que sur votre horloge fixe.

Cela signifie que le temps à bord du vaisseau ne s’écoule pas de la même façon pour tous les observateurs. Cet effet de dilatation du temps semble extraordinaire, mais il a bel et bien été vérifié expérimentalement.

Remarquons que cet effet n’a pas de conséquence visible sur notre vie de tous les jours. La dilatation du temps n’est vraiment importante que lorsque la vitesse en jeu est proche de celle de la lumière. Pour les vitesses de tous les jours, le facteur de dilatation est très proche de 1 et n’a aucune influence notable.

L’un des aspects curieux de la dilatation du temps est sa parfaite symétrie. En effet, tout mouvement est relatif. Ainsi, du point de vue de votre ami, c’est sa navette qui est immobile et votre station spatiale qui se déplace presque à la vitesse de la lumière. Il observera donc que c’est la durée d’un aller-retour sur votre horloge lumineuse qui est plus longue. En conséquence, c’est toujours un ralentissement du temps que l’on observe chez les autres, jamais une accélération.

La contraction de l’espace

Si le temps est affecté par le mouvement, l’espace l’est également. Einstein a montré que la dilatation du temps s’accompagnait d’une contraction de l’espace. Tout observateur qui regarde un objet en mouvement voit l’une des dimensions de celui-ci diminuer. La dimension en question est celle que l’on mesure dans la direction parallèle au déplacement, les autres n’étant pas affectées.

Imaginez un objet d’une longueur de 60 mètres et d’une largeur de 10 mètres au repos. Lorsque cet objet se déplace devant vous à 75 pour cent de la vitesse de la lumière dans la direction de sa longueur, vous le verrez toujours large de 10 mètres, mais long de 40 au lieu de 60.

Le concept d’espace-temps

L’indissociabilité de l’espace et du temps ont amené les physiciens à les associer pour former un concept plus général. D’après Newton, l’espace et le temps étaient deux notions totalement indépendantes qui pouvaient exister l’une sans l’autre. Il était par exemple naturel de parler de la position d’un corps sans faire référence au moment où celle-ci était mesurée.

Mais en relativité les deux notions vont de pair, elles sont indissociables. Pour cette raison, cette théorie ne peut considérer que des événements, c’est-à-dire des actions qui se produisent en un lieu précis et à un moment donné. Parler de l’espace ou du temps indépendamment l’un de l’autre n’a plus de sens. En conséquence, les physiciens unifient les deux concepts dans une structure plus générale à quatre dimensions, trois pour l’espace et une pour le temps, appelée l’espace-temps.

Minkowski
Hermann Minkowski : Alexotas, 1864 – Göttingen, 1909. Auteur de l’interprétation de la relativité restreinte en termes de géométrie de l’espace-temps

Une masse relative

Une autre conséquence de la relativité restreinte concerne la masse. Tout comme le temps et l’espace, la masse d’un objet dépend de la vitesse de l’observateur qui la mesure. Un objet d’un kilogramme qui se déplace à 98 pour cent de la vitesse de la lumière se comporte comme s’il en avait en fait cinq.

Cette augmentation de la masse est la raison pour laquelle la vitesse d’un objet est toujours inférieure à celle de la lumière. En effet, plus un corps va vite, plus il est massif et plus l’énergie nécessaire pour l’accélérer est grande. Lorsque sa vitesse est proche de celle de la lumière, sa masse est énorme et un apport d’énergie ne provoque plus qu’une faible accélération.

Pour atteindre la vitesse de la lumière elle-même, l’énergie requise est infinie, ce qu’il est bien sûr impossible de fournir. Ainsi, un corps massif ne peut jamais strictement atteindre la vitesse de la lumière. Ce raisonnement ne s’applique cependant pas aux photons car ils ont une masse nulle et peuvent donc bien se déplacer à la vitesse de la lumière.


Mis à jour le 21 juillet 2022 par Olivier Esslinger