L’analyse spectrale : température et composition chimique

Le spectre d’un corps noir
Le spectre d’un corps noir (loi de Planck) dans une gamme de températures de 3000 à 6000 degrés. On voit clairement que la longueur d’onde du maximum d’émission devient plus petite, donc se déplace vers le bleu, quand la température augmente (loi de Wien). On remarque aussi que la luminosité totale s’accroît fortement lorsque la température augmente (loi de Stefan-Boltzmann). Crédit : OpenStax CNX

En étudiant le spectre de la lumière d’un corps céleste, les astronomes sont en mesure d’apprendre beaucoup de choses sur ce corps. Le spectre d’un objet peut être considéré comme une sorte de carte d’identité. En l’analysant avec précision, on peut déterminer de nombreux paramètres comme la température, la composition chimique ou la vitesse.

Température et couleur

Commençons avec le paramètre le plus important, la température. Imaginons par exemple le cas d’un métal qui s’échauffe dans un four. Au début, lorsque le métal est à quelques centaines de degrés, rien de spécial n’est visible à l’oeil nu. ll est néanmoins possible de sentir la chaleur du métal en plaçant la main à proximité. Cette sensation traduit le fait que le métal rayonne de la lumière infrarouge invisible à l’oeil nu. Lorsque la température continue à augmenter, le métal se met petit à petit à briller et à devenir incandescent. Sa couleur change peu à peu, passe du rouge à l’orange puis au jaune et au blanc.

La lumière qui provient d’un corps dépend donc de sa température. A quelques centaines de degrés un métal émet dans l’infrarouge, mais à 800 degrés il rayonne surtout dans le rouge. Un filament d’ampoule en tungstène à 3000 degrés émet une lumière blanche.

Le spectre des corps noirs

L’étude du spectre d’un objet quelconque nous permet, comme pour le métal, de déterminer sa température. Ainsi, comme la surface du Soleil nous apparaît blanche (en ignorant l’atmosphère terrestre qui la rend plutôt jaune), nous pouvons dire que sa température est de l’ordre de 6000 degrés. La relation entre température et longueur d’onde d’émission maximale a été établie en 1893 par Wilhelm Wien. Elle ne s’applique pas à tous les corps, mais uniquement à une classe d’objets théoriques et parfaits appelés les corps noirs.

Heureusement, il se trouve que les étoiles ont un comportement très semblable à celui des corps noirs. L’étude de leur spectre nous permet donc de déterminer leur température à distance. De manière plus générale, les objets solides, les liquides et les gaz denses émettent un rayonnement continu qui obéit relativement bien à la loi de Wien.

Ainsi, par exemple, un nuage interstellaire froid de gaz et de poussières rayonne dans l’infrarouge, le Soleil émet surtout en lumière visible et le gaz d’un amas de galaxies, chauffé à plusieurs millions de degrés, produit principalement des rayons X. Dans tous les cas, c’est l’observation du spectre de ces objets qui nous a permit de déterminer leur température.

Les raies spectrales

La situation est différente lorsque l’objet étudié est un gaz peu dense. La découverte en fut faite en 1814 par Joseph von Fraunhofer qui étudiait le spectre des couches superficielles du Soleil. L’astronome, en observant le spectre avec une très grande précision, se rendit compte que celui-ci n’était pas continu, mais présentait une multitude de petites lignes obscures appelées des raies spectrales. Ces lignes correspondaient à des longueurs d’onde qui, pour une raison inconnue à l’époque, étaient absentes du rayonnement solaire.

L’explication de ce mystère fut le fait de Robert Bunsen et de Gustav Kirchhoff. Ces deux physiciens construisirent ensemble un spectroscope, c’est-à-dire un instrument destiné à décomposer la lumière en ses diverses longueurs d’onde et à fortement agrandir le spectre obtenu. Ils utilisèrent leur nouvel appareil pour étudier le rayonnement de différents types de corps, en particulier des gaz.

Ils découvrirent alors un phénomène très étrange. Le spectre d’un gaz chaud était formé d’un ensemble de raies brillantes, appelées des raies d’émission, sans aucun fond continu. De façon tout aussi mystérieuse, le spectre d’un corps noir, après passage dans un gaz froid, était continu mais parsemé de raies obscures, des raies d’absorption.

Bunsen et Kirchhoff conclurent de leurs expériences que les constituants d’un gaz ne pouvaient émettre ou absorber de la lumière que dans certaines longueurs d’onde bien définies, contrairement à un corps noir. Lorsqu’ils observaient un gaz chaud, le spectre était constitué de raies d’émission aux longueurs d’onde que ces constituants pouvaient émettre. Lorsqu’ils observaient un gaz froid placé devant un corps noir, les constituants du gaz absorbaient la lumière à ces longueurs d’onde et provoquaient les raies d’absorption superposées au spectre continu du corps noir.

La composition chimique par les spectres

Bunsen et Kirchhoff firent une découverte encore plus importante lorsqu’ils constatèrent qu’à un gaz donné correspondait un ensemble bien défini de raies. Par exemple, le gaz de sodium se caractérisait toujours par deux raies dans la partie jaune du spectre visible.

Cette découverte constituait une avancée majeure. A partir de l’étude du spectre d’un gaz et de ses raies, il devenait possible de déterminer sa composition. Ainsi, par exemple, si le spectre d’un gaz inconnu présentait les deux raies jaunes ci-dessus, ce gaz devait contenir du sodium. Il devenait donc possible, grâce à l’analyse spectrale, de déterminer la composition chimique d’un corps à distance, ce qui constituait une possibilité inespérée pour l’étude des corps célestes.

Les spectres de raies
Le spectre d’un corps dans les trois cas de figure envisagés. A gauche, le spectre d’un solide, d’un liquide ou d’un gaz très dense est continu. Au milieu, le spectre d’un gaz froid placé devant une source continue fait apparaître des raies d’absorption. A droite, le spectre d’un gaz chaud est formé de raies d’émissions (à la même position que les raies d’absorption du milieu). Crédit : The Pennsylvania State University

Mis à jour le 13 octobre 2019 par Olivier Esslinger