Le boson de Higgs

Le Modèle Standard, la description moderne des particules et forces qui peuplent l’Univers (à part la gravité), est un des triomphes de la physique moderne. Ses prédictions ont été validées par des accélérateurs de particules depuis des dizaines d’années. Mais un élément crucial reste encore à confirmer : l’origine de la masse des particules.

Le champ de Higgs

Le champ de Higgs est une explication de l’origine de la masse proposée par plusieurs physiciens en 1964, en particulier le britannique Peter Higgs qui lui a donné son nom.

Pour donner une image simplifiée de cette explication, imaginez une congrégation de physiciens au début du siècle dernier. Une célébrité comme Albert Einstein entre dans la salle comble. Dès qu’il entre dans la salle, les physiciens les plus proches de lui vont se rapprocher. Einstein se déplace alors dans la salle. A chaque pas, les gens les plus proches vont se regrouper temporairement autour de lui et ceux qu’il laisse dans son sillage vont revenir à leur position normale.

De cette façon, Einstein est toujours entouré d’une concentration de personnes, ce qui donne une certaine inertie à son mouvement. Il lui est plus difficile de ralentir son pas et, s’il s’arrête, il lui est plus difficile de se remettre en mouvement.

D’une façon similaire, le champ de Higgs emplit tout l’espace et interagit avec les particules élémentaires. Cette interaction se traduit par une résistance des particules aux changements de vitesse, ce qui est exactement la nature fondamentale de la masse.

Sans une interaction de ce type, les particules élémentaires auraient une masse nulle comme le photon et pourrait parcourir l’Univers à la vitesse de la lumière. Cet Univers serait très différent du nôtre, sans galaxies, étoiles, planètes ou vie. Confirmer l’existence du champ de Higgs est donc une étape nécessaire pour mieux comprendre l’Univers qui nous entoure et son développement après le Big Bang.

En mécanique quantique, tout champ est associé à une ou plusieurs particules. Par exemple, le champ électromagnétique est associé au photon. De la même façon, le boson de Higgs est la particule associée au champ de Higgs. On utilise le terme boson car cette particule obéit à la statistique de Bose-Einstein introduite en 1920 par le physicien indien Satyendranath Bose.

Le boson de Higgs est très instable et ne peut pas être détecté directement. C’est la raison pour laquelle des accélérateurs de particules sont nécessaires pour le découvrir.

CMS
Représentation d’une collision de protons qui engendre la création d’une multitude de particules (en jaune), en particulier un boson de Higgs qui se désintègre en produisant deux photons (en rouge) que le calorimètre électromagnétique de l’expérience CMS au LHC peut détecter. Crédit : CMS Collaboration/CERN

Le Large Hadron Collider

Le LHC est un accélérateur de particules inauguré en 2008 près de Genève. Il s’agit d’un tunnel circulaire de 27 kilomètres de circonférence où deux faisceaux de protons sont accélérés par des champs magnétiques jusqu’à une vitesse proche de celle de la lumière.

Les deux faisceaux se propagent dans des directions opposées et finissent par se rencontrer pour provoquer des collisions entre protons. Ces collisions donnent naissance à de nouvelles particules qui sont capturées par plusieurs détecteurs, en particulier ATLAS (A Toroidal LHC Apparatus) et CMS (Compact Muon Solenoid).

Les collisions de protons au sein du LHC vont ainsi parfois créer des bosons de Higgs qui existeront pendant une durée très brève avant de se désintégrer pour former des particules stables plus classiques et de masse plus faible.

Les détecteurs du LHC ne peuvent pas observer le boson de Higgs directement, mais ils peuvent analyser le résultat final des collisions. L’intervention temporaire d’un boson de Higgs peut être détectée de façon indirecte en analysant le résultat final et en s’appuyant sur des hypothèses sur les étapes intermédiaires.

ATLAS
Une vue de l’intérieur du détecteur ATLAS du LHC avec son calorimètre et ses huit aimants. Crédit : ATLAS Experiment/CERN

La détection d’un boson de Higgs

Le CERN annonça en juillet 2012 la découverte d’une particule dont le profil suggérait qu’il s’agissait du fameux boson. Dans les résultats annoncés à l’époque, la collaboration CMS observa une particule d’une masse d’environ 125 GeV avec une signifiance statistique de cinq sigma. L’expérience ATLAS observa quant à elle une particule d’une masse d’environ 126 GeV avec également une signifiance statistique de cinq sigma.

Le niveau de sigma est une façon de mesurer la probabilité qu’une observation soit purement due à la chance plutôt qu’à un phénomène sous-jacent réel. Plus le niveau de sigma est élevé, plus le résultat a des chances d’être l’indication d’un effet réel. Le niveau cinq sigma représenterait la chance de tomber vingt fois de suite sur le côté pile et c’est la limite admise généralement pour parler d’une découverte. Le CERN annonçait donc ainsi officiellement la découverte d’une nouvelle particule compatibles avec le boson de Higgs.

S’agissait-il du boson de Higgs proposé de façon indépendante par plusieurs physiciens dans les années 60 ? Il fallait encore étudier plus précisément les propriétés de cette particule, en particulier son taux de désintégration dans différents modes et son spin. Le spin est une propriété fondamentale des particules élémentaires qui, en simplifiant beaucoup, peut être imaginée comme mesurant la rotation d’une particule sur elle-même. S’il s’agit bien du boson de Higgs, son spin devrait être nul. Après l’analyse d’un plus grand nombre de données, le CERN confirma en mars 2013 que cette particule était bien un boson de Higgs.

Un boson de Higgs ou le boson de Higgs? En réalité de nombreuses théories ont été proposées, qui font appel à un ou plusieurs bosons de Higgs, par exemple dans les modèles de supersymétrie, et il est trop tôt pour départager ces théories. En fait, c’est une nouvelle période de recherche qui s’ouvre, dont le but va être d’étudier plus précisément les propriétés de cette particule. Lorsque ces propriétés seront mieux connues, l’une des théories actuelles sera confirmée ou peut-être faudra-t-il en créer une nouvelle ?


Mis à jour le 11 septembre 2023 par Olivier Esslinger