Les particules virtuelles

Willis Lamb
Willis Lamb, découvreur, avec son étudiant Robert Retherford, du décalage de Lamb (ou Lamb shift) en 1947. Le décalage de Lamb est un exemple de l’impact des particules virtuelles en physique fondamentale. Il s’agit d’un très faible écart entre deux niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène qui trouve son origine dans l’interaction entre le seul électron de cet atome et les photons virtuels qui apparaissent et disparaissent en permanence dans le vide qui l’entoure.

En plus des constituants de la matière, les fermions, et des particules qui transmettent les forces, les bosons, il nous faut encore faire connaissance avec un autre type de particule pour comprendre les phénomènes qui se sont produit pendant le Big Bang : les particules virtuelles.

Le principe d’incertitude pour l’énergie

Les particules virtuelles sont une conséquence du principe d’incertitude de la mécanique quantique (pour plus de détails sur ce principe, voir la page d’introduction sur les naines blanches). Dans sa forme première, le principe d’incertitude, énonce que la position et la vitesse d’une particule ne peuvent pas être mesurées simultanément avec une précision arbitraire. Plus on essaye de déterminer précisément la position de particule, plus l’incertitude sur sa vitesse sera grande et vice versa.

Un principe similaire s’applique à l’énergie et au temps : pour qu’une particule puisse rester à un niveau d’énergie bien précis, il faut qu’elle reste dans cet état pendant un temps assez long (à l’échelle microscopique). Si l’on réduit le temps passé par la particule dans cet état, l’incertitude sur l’énergie de la particule augmente automatiquement. Comme dans le cas de la position et de la vitesse, il ne s’agit pas d’un problème technologique de mesure, mais d’une propriété intime de la matière.

Ce principe a de grandes conséquences sur toute la physique microscopique. Si l’énergie est soumise à une incertitude, cela signifie qu’elle n’est pas fixée de manière rigoureuse, contrairement à ce que la physique classique énonce. Plus important encore, de l’énergie peut apparaître ou disparaître à partir de rien à condition toutefois que le phénomène se produise pendant un temps bien limité déterminé par le principe d’incertitude.

Les particules virtuelles

Cette possibilité de création d’énergie devient particulièrement intéressante car, d’après la relativité restreinte d’Albert Einstein, l’énergie est équivalente à la masse. La mécanique quantique nous apprend donc que de la masse peut apparaître à partir de rien, exister pendant une durée très brève, puis disparaître. On peut par exemple calculer qu’un électron peut surgir du néant, vivre pendant environ 10-21 seconde, avant de disparaitre.

Notons que si l’énergie peut souffrir d’incertitude, ce n’est pas le cas de la charge électrique. Ainsi, lorsqu’un électron apparaît temporairement à partir de rien, il doit nécessairement être accompagné d’un antiélectron pour que la charge totale de l’ensemble reste constante et nulle.

Les particules qui apparaissent et disparaissent ainsi ont une durée de vie très brève. Elles ne sont pas observables directement et on les qualifie donc de particules virtuelles. Leur présence peut néanmoins être détectée par des effets indirects qu’elles induisent sur les particules ordinaires.

Ainsi, par exemple, un électron n’est jamais isolé dans l’espace. Il est en réalité entouré d’un nuage de particules et d’antiparticules virtuelles qui vont légèrement affecter certaines de ses propriétés. Ce phénomène a été vérifié puisque quelques caractéristiques de l’électron ne se comprennent que si l’on fait appel à l’influence de ce nuage.

Un vide qui n’est pas vide

Cette possibilité de création et de disparition de matière change profondément notre vision du monde microscopique. La notion de vide en est tout particulièrement affectée. En effet, le principe d’incertitude implique que même le vide le plus absolu est en fait peuplé d’une myriade de particules et d’antiparticules virtuelles. Le vide, au sens où on l’entend d’habitude, c’est-à-dire l’absence de toute matière, n’existe pas.

Même dans les premières phases du Big Bang, lorsque la matière ordinaire n’existait pas encore, l’Univers était agité d’une succession frénétique de créations et de disparitions de particules de tous les types et c’est d’ailleurs grâce à cette agitation que la matière ordinaire put faire son apparition.


Mis à jour le 13 octobre 2019 par Olivier Esslinger