Collision d’étoiles à neutrons et kilonova

Les explosions de supernova et les conditions extrêmes qu’elles créent ont longtemps été considérées comme la source principale des éléments plus lourds que le fer, par exemple l’or, le platine ou l’uranium. Mais les calculs et simulations numériques montraient que les conditions nécessaires à la formation de ces éléments ne duraient pas suffisamment longtemps pour expliquer les concentrations d’éléments lourds observées dans l’Univers.

En 1989, un groupe d’astrophysiciens suggérèrent que les collisions d’étoiles à neutrons pouvaient constituer une autre source d’éléments lourds, mais on estimait à l’époque que ce type de collision était trop rare pour contribuer de manière significative.

La kilonova GW170817

Le 17 août 2017, les observatoires d’ondes gravitationnelles LIGO et Virgo détectèrent pour la première fois les ondes gravitationnelles créées par la collision de deux étoiles à neutrons et leur fusion en un trou noir, un événement baptisé GW170817 (à ne pas confondre avec GW150914, la première détection d’ondes gravitationnelles, qui provenait, elle, d’une collision entre deux trous noirs).

Les télescopes spatiaux d’observation dans les rayons gamma Fermi et INTEGRAL détectèrent un sursaut gamma court, GRB170817A, dans la même direction, 1.7 seconde après l’arrivée des ondes gravitationnelles. Dès que les alertes de ces détections furent lancées, de nombreux télescopes terrestres et spatiaux se tournèrent vers la source approximative de ces ondes gravitationnelles. Le télescope Swope, à l’observatoire de Las Campanas au Chili, fut le premier à détecter l’événement dans le domaine visible, 10 heures et 52 minutes après la détection gravitationnelle.

En tout, plus de 70 observatoires furent en mesure d’étudier l’événement et son évolution avec le temps. GW170817 fut le premier événement gravitationnel dont le produit put être observé dans les ondes lumineuses et constitue l’un des premiers exemples de ce que l’on a baptisé l’astronomie multi-messager, c’est-à-dire l’observation simultanée de phénomènes astrophysiques à l’aide d’au moins deux des quatre messagers disponibles (les ondes électromagnétiques, les ondes gravitationnelles, les neutrinos et les rayons cosmiques).

Cette collision de deux étoiles à neutrons s’est produite à environ 140 millions d’années-lumière de nous, dans la galaxie NGC 4993 située dans la constellation de l’Hydre. La masse individuelle des deux étoiles est difficile à évaluer précisément, entre 1,4 et 2,3 fois la masse du Soleil pour l’une, entre 0,9 et 1,4 fois cette masse pour l’autre.

Une source majeure d’éléments lourds

La collision a provoqué une explosion formidable qui a éjecté les résidus de la collision dans l’espace environnant. Comme ce type d’explosion est mille fois plus lumineux qu’une nova, mais entre dix et cent fois moins lumineux qu’une supernova, les astrophysiciens lui ont donné le doux nom de kilonova (kilo est le préfixe pour mille).

Puisque ces étoiles sont par définition riches en neutrons et extrêmement denses, les théoriciens ont longtemps suspecté que ce type de collision pourrait être un facteur important dans la nucléosynthèse des éléments lourds, grâce à un processus de capture de neutrons appelé le processus r (r pour rapide), qui est à l’origine de la moitié des noyaux plus lourds que le fer dans l’Univers.

L’analyse spectrale du rayonnement de GW170817 et son évolution après la collision a révélé la présence d’éléments lourds et a donc confirmé la théorie. La contribution des différents éléments lourds dans le spectre de la kilonova est difficile à démêler, mais l’observation a confirmé la signature spectrale la moins difficile à identifier, celle du strontium.

La quantité totale d’éléments lourds produits par cette collision a été estimée à 16,000 fois la masse de la Terre et, si l’on ne considère que l’or et le platine, dix fois la masse de la Terre (une quantité énorme mais toutefois négligeable par rapport à celles des deux étoiles initiales).

En faisant des hypothèses raisonnables sur la fréquence de telles collisions, on pense maintenant que les collisions d’étoiles à neutrons pourraient être à l’origine d’une grande partie des éléments lourds créés par le processus r, mais la contribution respective des différentes sources est un sujet majeur de recherche à l’heure actuelle.  

Nucléosynthèse du tableau périodique
Un magnifique diagramme qui indique, selon les recherches les plus récentes, l’origine cosmique des différents éléments du tableau périodique. Big Bang fusion : la nucléosynthèse primordiale après le Big Bang ; Cosmic ray fission : quelques éléments légers créés par le bombardement de noyaux simple par les rayons cosmiques (un processus appelé la spallation) ; Dying low-mass stars : les éléments créés dans les étoiles de masse ordinaire, en particulier les éléments lourds créés dans les géantes rouges par le processus s (s pour slow) qui peut se produire sur des milliers d’années ; Merging neutron stars : les collisions d’étoiles à neutrons qui provoquent une kilonova ; Exploding massive stars: les éléments créés dans les étoiles massives qui finissent leur vie en explosion de supernova de type II ; Exploding white dwarfs : les supernovae de type Ia, donc les explosions de naines blanches qui ont accumulé trop de matière d’un compagnon par accrétion ; Human synthesis/No stable isotopes : les éléments si instables qu’on ne peut les observer que dans des accélérateurs de particules (humains ou pas !). Crédit : Wikimedia Commons/Jennifer Johnson

Mis à jour le 30 décembre 2019 par Olivier Esslinger