La vision moderne de la Voie Lactée

La Voie Lactée
Une représentation artistique de la Voie Lactée centrée sur le Soleil et le bras d’Orion (Orion Spur). On aperçoit bien les grands bras spiraux et la barre centrale de la Galaxie. Crédit : NASA

Après avoir vu l’évolution de la vision historique de la Voie Lactée, passons à la conception moderne de l’Univers-île qui nous entoure.

La Galaxie

La Galaxie (le nom moderne de la Voie Lactée, avec un G majuscule pour la distinguer des autres galaxies) est donc en gros un disque d’un diamètre de 100.000 années-lumière et d’une épaisseur d’environ 1000 années-lumière. Autour du centre, on trouve une sorte de noyau sphérique de 10.000 années-lumière de diamètre appelé le bulbe galactique. Le tout est entouré d’un grand halo sphérique plus grand que le disque qui contient les amas globulaires.

Le système solaire se trouve dans le disque à une distance de 27.000 années-lumière du centre. Il fait une révolution complète autour de la Galaxie en à peu près 225 millions d’années. Il a donc fait une vingtaine de tours depuis sa naissance, il y a 4.6 milliards d’années et à peine un quart de tour depuis la disparition des dinosaures.

Les étoiles ne sont pas réparties uniformément, mais se concentrent dans de gigantesques bras de matière qui partent des extrémités d’une barre centrale et se courbent en s’éloignant, ce qui fait de la Voie Lactée une galaxie spirale barrée. On compte quatre bras majeurs, mais le système solaire se trouve sur le bras d’Orion, un petit morceau de bras coincé entre les bras majeurs de Sagittaire et de Persée (les noms de ces bras leur viennent des constellations où ils se cachent).

La Galaxie contient entre 200 et 400 milliards d’étoiles, plusieurs centaines de millions d’étoiles à neutrons et probablement une centaine de millions de trous noirs d’origine stellaire. Elle contient également du gaz, principalement de l’hydrogène, ainsi que des poussières, qui représentent ensemble environ 15 pour cent de la masse totale visible. On notera en particulier les nuages moléculaires, des régions suffisamment denses pour que l’hydrogène existe sous forme de molécule. Sous l’effet de la gravité, ces nuages moléculaires finissent par se fragmenter et s’effondrer pour donner naissance aux nouvelles générations d’étoiles.

Le trou noir supermassif de la Galaxie

Avant même que la radioastronomie ne soit née, au début des années 1930, l’ingénieur américain Karl Jansky étudiait le bruit de fond des appels téléphoniques entre les Etats-Unis et l’Europe et découvrit une faible émission radio qui n’était pas d’origine terrestre, mais provenait de la constellation du Sagittaire. Dans les années 1950, des observations radio plus avancées montrèrent que sa source devait être d’une puissance extraordinaire, car sa taille était inférieure à cinquante années-lumière, ce qui est minuscule à l’échelle de la Galaxie. Ceci fut confirmé en 1968 par des observations à haute résolution dans l’infrarouge et en 1974 par des observations en radio-interférométrie qui identifièrent plus précisément la source, baptisée Sagittaire A*.

Pour expliquer une telle puissance provenant d’une région si compacte, les astrophysiciens Martin Rees et Donald Lynden-Bell proposèrent en 1971 l’idée d’un trou noir supermassif au centre de la Galaxie. Rappelons qu’un trou noir est un objet dont la gravité est telle que même les rayons lumineux ne peuvent en échapper. Contrairement aux trous noirs d’origine stellaire, qui ont au plus quelques dizaines de fois la masse du Soleil, les trous noirs supermassifs que l’on trouve au centre des galaxies ont une masse comprise entre un million et un milliard de fois la masse du Soleil. Le trou noir au centre de la Galaxie a été estimé à 4,3 millions de fois la masse du Soleil par des observations récentes.

La Voie Lactée
Une image de la région du centre galactique obtenue dans le domaine radio par le réseau VLA au Nouveau Mexique. Le centre galactique est à la position indiquée par Sgr A (Sagittaire A, qui contient la région plus petite appelée Sagittaire A*). Tout autour on aperçoit de magnifiques structures, bulles créées par des explosions de supernovae, nuages moléculaires géants illuminés par des étoiles massives, arcs et filaments d’origine encore incertaine. Crédit : N. E. Kassim/D. S. Briggs/T. J. W. Lazio/T. N. LaRosa/J. Imamura (NRL/RSD)

L’origine des trous noirs supermassifs n’est toujours pas bien comprise. Peut-être qu’un trou noir d’origine stellaire grandit peu à peu en absorbant du gaz attiré vers le centre de la Galaxie ou peut-être qu’un trou noir supermassif est créé directement lorsqu’un groupe d’étoiles ou un nuage de gaz atteint la masse critique dans une région suffisamment compacte.

En tout cas, une fois le trou noir supermassif formé, les processus en jeu sont relativement bien compris. Le gaz de la région centrale de la galaxie est attiré vers le trou noir, forme ce que l’on appelle un disque d’accrétion et tombe peu à peu dans le trou noir. L’énergie gravitationnelle du gaz est transformée en énergie thermique et le disque peut atteindre un million de degrés. Avec cette température extrême, le disque va émettre de l’énergie sous forme de rayons X (qui ont été détectés au centre galactique dans les années 1980). En même temps, des électrons vont se déplacer à grande vitesse autour des lignes du puissant champ magnétique et émettre un rayonnement sous forme d’ondes radio, celui que Karl Jansky a découvert.

La matière noire dans la Galaxie

Ce survol rapide de nos connaissances sur la Galaxie pourrait suggérer que nous la comprenons relativement bien, mais il reste de nombreuses énigmes, la plus grande étant la nature de la matière noire, une matière invisible à nos télescopes, mais qui domine la Galaxie de sa masse.

En 1932, l’astronome hollandais Jan Oort étudiait le mouvement des étoiles dans le voisinage du Soleil. Comme la gravité est une force bien comprise, on peut facilement calculer la masse requise pour que la Galaxie puisse maintenir ces étoiles en orbite. Étrangement, la masse calculée de la Galaxie était trois fois plus grande que sa masse visible, étoiles et gaz inclus. En 1933, l’astronome suisse Fritz Zwicky fit une découverte similaire, mais en étudiant le mouvement relatif des galaxies à l’intérieur d’un amas contenant plus de mille galaxies. Les nombres de Zwicky ont été revus à la baisse depuis, mais on estime que la matière visible de l’amas ne représente que 10 pour cent de sa masse totale. Même à l’échelle cosmologique, les observations du rayonnement fossile, un vestige du Big Bang, montrent que l’Univers dans son ensemble contient cinq fois plus de matière invisible que de matière visible.

La nature de la matière noire reste un mystère. Les recherches ont montré une contribution de matière ordinaire qui est simplement difficile à observer, car contenue dans des corps peu visibles comme les naines brunes (des étoiles ratées, car insuffisamment massives) ou les résidus d’étoiles, mais cette contribution de la matière ordinaire est minime. La matière noire doit donc principalement être composée de matière exotique, c’est-à-dire de particules qui n’ont pas été observées à ce jour, car elles interagissent trop peu avec la matière ordinaire.

Des programmes de recherche ont été mis en route dans les années 2000 pour essayer de détecter ces particules exotiques, soit en essayant de capturer des particules provenant de l’espace dans des laboratoires souterrains (pour minimiser le bruit des rayons cosmiques), par exemple le Laboratoire Souterrain de Modane sous le tunnel routier de Fréjus, soit en essayant de les créer dans des accélérateurs de particules comme le Large Hadron Collider. Malheureusement, aucune détection catégorique n’a encore eu lieu : la nature de la masse cachée, donc du gros de la Voie Lactée, reste un mystère.

La station spatiale internationale
Plusieurs expériences de recherche de la matière noire exotique sont actuellement en cours. L’une d’entre elles, le spectromètre magnétique Alpha 2, est un détecteur de particules placé dans un module externe de la station spatiale internationale (en partant du milieu vers la droite, il pointe vers le haut juste après les trois premiers panneaux solaires sur l’image). Ce détecteur ne tente pas de mesurer la matière exotique directement, mais les particules ordinaires résultant de collisions ou d’annihilation de particules exotiques. Crédit : NASA

Mis à jour le 23 juillet 2022 par Olivier Esslinger